RIGOLLET

Praticien, puis libraire.

Début d'exercice en 1727. Mentionné à l'Almanach de la ville de Lyon de 1738 à 1765.

Le 7 octobre 1724, il est qualifié de "marchand libraire", alors qu'il n'est pas encore installé, dans une reconnaissance de dettes auprès d'un papetier (AD 69 : 3E 2714).

Rigollet aurait dû hériter du fonds de son beau-père, des oppositions faites par des imprimeurs créanciers ont dû contrecarrer ses projets.

A partir de 1742, il fut secondé par son fils également prénommé François, qui s'installa dans la boutique du quai des Célestins en 1746, et qui est mentionné à l'Almanach de la ville de Lyon jusqu'en 1767. Il est à peu près certain que c'est l'affaire qui l'opposa à Voltaire qui entraîna leur double chute. Le rapport Bourgelat à la Direction de la Librairie, en 1763, signale à propos du père : "François Rigolet est réduit à la mendicité. On vient d'en vendre le fond, et il seroit superflu de dire ici qu'il est un de ceux qui a terni le plus la réputation de la librairie par les ouvrages scandaleux et prohibés qu'il a mis en vente." Simples libraires, ils n'eurent jamais d'imprimerie. Leur production conservée à Lyon monte à 31 titres.

Rigollet père avait commencé sa carrière en éditant un auteur de son beau-père, le jésuite Dominique de Colonia (voir supra la rubrique privilèges). Sa production n'a jamais été très conséquente. De 1749 à 1752, il se spécialisa dans l'édition de pièces de théâtre, opéras et ballets joués à Lyon (16 titres). Auparavant, il avait publié quelques textes de circonstance. Les deux dernières éditions recensées (1757 et 1759) sont des catalogues de ventes publiques organisées par le père et le fils dans leur boutique de la maison du sieur Fay. Il semble que l'organisation de ces ventes aît été leur dernière activité, puisque le 10 juillet 1765 (A.D. 69 : BP 2233.), Rigollet fils dressait encore l'inventaire des livres de Charles Dumarest de La Vernouse curé de la paroisse St Paul.

Comme le souligne Bourgelat, le père et le fils ont toujours eu une activité clandestine. Malgré quelques accrocs, ils avaient réussi à se tirer d'affaires jusqu'à ce qu'ils tombassent sur Voltaire...

- RIGOLLET Pierre (sic pour François ?) gendre de AMAULRY Thomas doit hériter du fonds de ce dernier, contrairement à BARRET Nicolas imprimeur rue Bellecordière, or AMAULRY doit de l'argent à BARRET pour diverses impressions (863 exemplaires de Don Quichotte 6 volumes in-12° ; 750 exemplaires des Entretiens de Lemaistre 4 volumes in-12° ; 712 exemplaires de Formule d'Ethinole 1 volume in-12° ; 86 exemplaires du 6e tome de Don Quichotte in-12° ; 159 exemplaires de la Véritable dévotion 1 volume in-12° ; 586 exemplaires de l'Abrégé du blason 1 volume in-12°) (AD 69 : BP 2106, inventaire AMAULRY du 18 mai 1725).

- En 1728-1730, fait travailler le graveur et marchand d'estampes DUFLOS Nicolas-Simon (S. de Vesvrotte).

- 19 juillet 1732 (AD 69 : BP 3615.) on perquisitionnait quai des Célestins pour chercher les Anecdotes ou Mémoires secrets sur la constitution Unigenitus [VILLEFORE (J.-F. Bourgoing de), Anecdotes, ou Mémoires secrètes sur la constitution Unigenitus, 3 tomes, [s.l.s.n.], 1730-1733]. Un exemplaire fut trouvé "dans une bassinoire qui étoit pendüe par le manche contre le mur". On se rendit également dans une maison voisine, chez les époux Guillemin, merciers. La visite permit la découverte de "34 exemplaires brochés du livre intitulé Critique de la femme docteur lesquels lesdits mariés Guillemin nous ont dit appartenir audit Rigolet qui les avoit entreposé chez eux". Le même jour, une perquisition, négative, était entreprise chez Jean-Denis Juttet, soupçonné d'être l'imprimeur des Anecdotes sur la Constitution Unigenitus.

- Le 5 février 1748 (A.M. Lyon : HH 100 affaire de la Comédie du méchant), Rigollet était interrogé à la suite de la plainte pour contrefaçon de Gresset auteur de la Comédie du méchant. "qui se vend chez le sieur RIGOLLET, marchand libraire demeurant sur le quay des Célestins". Il dit s'appeler RIGOLLET François et avoir 45 ans environ. Perquisition on saisit 82 ex. imprimés à la Haye, 1748, sans nom de libraire ni date du mois. Il répond qu'il a fait venir ces ouvrages de Genève où ils ne coûtent que 8 sols, qu'il a pu les vendre entre 12 et 15 sols, que le prix de l'auteur est trop cher et qu'ils se vendent à Paris 30 sols (A.M. Lyon : HH 100).

- En 1756, poursuit le libraire parisien DEBURE au sujet du brevet d'apprentissage de son fils RIGOLLET François II (B.N. : FF 22066, f. 5-6).

- Première quinzaine de septembre 1760, affaire des Dialogues chrétiens ou Préservatif contre l'Encyclopédie de Voltaire, qui nia la paternité de ce petit ouvrage, et chercha à en récupérer le manuscrit..Plainte de Voltaire le 10 septembre 1760 relative à la publication des Dialogues chrétiens, ou Préservatif contre l'Encyclopédie. Par M. V***. Genève (Lyon, Rigolet), 1760 qui ont été envoyés à BARBIER libraire de Genève : procès-verbal d'une visite (rez de chaussée d'une maison appartenant au sieur FAY) on saisit 22 ff. de l'Epître du diable à Mr. de V.***, Genève, 1760. On ne trouve pas le titre recherché(A.M. Lyon : HH 100). Rigollet écrivit directement à Voltaire, le 6 septembre 1760 (B.N.F. Manuscrits, NAF 1181, f 6.) : "... Je me fais un plaisir de lire et d'imprimer tout ce qui sort de votre plume et je déteste souverainement tout ce qui est contre vous...". Il lui proposa d'imprimer la réponse que Voltaire pourrait donner à un opuscule qu'il lui envoyait, l'Epître du diable à M. de V*** : "si vous répondez à cet indigne ouvrage et que vous vouliez que je l'imprime, je le ferai sur le champ et en inonderai toute la France, surtout à Paris où j'ai de grandes correspondances ; si j'osais me flatter d'un mot de réponse, j'en serais fort heureux..." Sur cette affaire : voir GARGETT, VARRY).

- En compte avec CRAMER en 1760 pour moins de 100 livres (Barber).

- En décembre 1760, suite à l'affaire des Dialogues chrétiens, paie un accompte de 12 livres sur une sentence rendue contre lui et dont la teneur est inconnue (AD 69 : BP 4080).

- Le 3 février 1761 (A.M. Lyon : HH 100 affaire Candide.), les hommes du Lieutenant de police se présentaient à nouveau rue du Plat : "... sur la requisition du procureur du Roy de la police de la Ville et fauxbourgs de Lion qui a dit etre informé qu'on débitoit dans cette ville un livre aiant pour titre Candide ou loptimisme traduit de Lallemand de Mr le Docteur Ralph seconde partie mil sept cent soixante un qui na ete point aprouvé et dont l'impression na point été permise... et que le debit de ce livre ce faisoit publiquement chez Rigolet libraire nous nous sommes transportés chez ledit Rigolet..."

Ce texte apocryphe a été attribué à Charles-Claude-Florent de Thorel de Campigneulles qui l'a cependant désavoué (Bengesco n° 1443, note). Lors de la perquisition, Rigollet avoue avoir reçu le manuscrit de lui, et supposé qu'il en était l'auteur. L'imprimeur-libraire Jacques Certe fut soupçonné et perquisitionné, mais l'enquête aurait démontré que l'opuscule n'avait pas été imprimé à Lyon. (B.N.F. Manuscrits, Man. français 22149, f 33-34, 23 février 1761. GROSCLAUDE, p. 213).

Sans doute effrayés par les perquisitions de 1760 et 1761, de nombreux créanciers demandèrent remboursement, à partir de 1763, à Rigollet qui ne put faire face, en particulier à des arriérés d'impôts. Ses biens furent saisis (AD 69 : 7C 142.) et vendus, en particulier une maison à la Guillotière et son domaine comptant des orangers, sans doute celle héritée d'Amaulry. Une visite du fonds de la librairie et  une estimation a été faite par deux libraires de la ville. Elle n'a pas été retrouvée. Dans les années suivantes, de multiples procédures opposèrent les créanciers pour déterminer leur priorité. De 1764 à 1771, ce sont 5 495 livres 7 sols qui furent récupérées sur la vente des livres et sur la maison. Entre-temps, les époux Rigollet étaient décédés (avant 1768). Leur fils n'a pu exercer le métier, et un acte du 7 septembre 1768 le désigne comme "ci-devant sergent dans le régiment de Piedmon fils et seul héritier de droit des mariés Rigollet et Amaulry, partie saisie".. Voltaire les avait désignés à l'attention du Lieutenant de police qui ne les lâcha plus, d'où leur chute.

- En 1763, le rapport Bourgelat signale "François Rigolet est réduit à la mendicité. On vient d'en vendre le fond, et il seroit superflu de dire ici qu'il est un de ceux qui a terni le plus la réputation de la librairie par les ouvrages scandaleux et prohibés qu'il a mis en vente".