Press Figures

 

 

 

Press Figures

 

 

Les "Press Figures" sont des chiffres arabes, parfois mais plus rarement des symboles, placés par le compositeur au bas des feuilles qu'il compose. Ils sont une spécificité anglaise de la période 1680 - 1823. Leur usage tomba en désuétude après 1824. Ils ont également été utilisés, mais moins systématiquement, par les imprimeurs nord-américains.

Le compositeur introduisait ainsi le numéro ou le symbole de la presse qui imprimerait la feuille (le cahier) qu'il était en train de composer. Cette pratique participait d'un partage égal du travail entre les diverses presses d'un atelier. Elle facilitait également l'estimation du travail effectué par les compositeurs et les pressiers, et le calcul de leur rémunération.

Pour le bibliographe et l'historien du livre, les Press Figures permettent de reconstituer le travail de l'atelier, et celui de la fabrication d'un livre, voire parfois mais plus rarement d'identifier qui a composé et imprimé quoi.

Pour chaque feuille (cahier), le compositeur introduisait un Press Figure dans la forme externe, et le même dans la forme interne. Celui-ci était positionné dans la marge inférieure d'une page, à gauche ou au centre-gauche. Bien que cela ne soit pas systématique, on évitait généralement d'insérer un Press Figure dans une page portant une signature.

 

Nous donnons, ci-dessous, l'exemple d'une édition londonienne de 1744, de format in-octavo par demi-cahier.

 

 

 

 

Feuillet b 4 recto : Press Figure 3 à gauche dans la marge inférieure

b4 / XVII = 3

 

 

Feuillet B 4 recto : Press Figure 2 à gauche dans la marge inférieure

B4 / 7 = 2

 

 

Feuillet C verso : Press Figure 2 au centre gauche de la marge inférieure

C1 / 10 = 2

 

Nous donnons maintenant un autre exemple, un ouvrage scolaire en latin publié à Londres en 1789 dans un atelier comptant au moins six presses :

 

 

 

 A2 / IV = 3

 

  

     A8 / XV = 5

 

   C1 / 4 = 2     

 

      

F7 / 63 = 6

 

 

         G3 / 72 = 6

 

En Angleterre, les Press Figures ont parfois été utilisés dès la fin des années 1660, en particulier par l'imprimeur John Streater. Ce cas a été étudié par Brian McMullin dans un article intitulé "Early 'Secular' Press Figures" publié dans The Library, 2009, 10 (1), pages 57-65.

Leur usage en Amérique du Nord a été évoqué par G. Thomas Tanselle dans son article "Press Figures in America : Some Preliminary Observations", par dans Studies in Bibliography, 1966, n° 19, pages 123-160.

Le même auteur a plaidé pour l'intérêt de leur prise en compte et recensement dans leurs descriptions par les bibliographes dans un article intitulé "The Recording of Press Figures", paru dans The Library, décembre 1966, pages 318-323.

Philip Gaskell a attiré l'attention des chercheurs sur leur usage et leur utilité dans sa publication "Eighteenth-century Press Numbers: their Use and Usefulness", éditée dans The Library, 1950, V (IV), pages 249-261.

Parmi les chercheurs qui se sont beaucoup intéressés aux Press Figures, on doit mentionner William B. Todd (1919-2011), qui leur a consacré de nombreux articles, parmi lesquels on citera :

- "Observations on the Incidence and Interpretation of Press Figures, Studies in Bibliography, 1950-1951, n° 3, pages 171-205.

- "Press Figures and Book Reviews as Determinants of Priority", Papers of the Bibliographical Society of America, 1951, XLV, pages 72-76.

- "Bibliography and the Editorial Problem in the Eighteenth Century", Studies in Bibliography, 1951-1952, n° 4, pages 41-55.

 

 

Comment relever les Press Figures ?

Ils sont le plus généralement signalés de la façon suivante par les bibliographes :

Signature du feuillet incriminé / pagination = Press Figure

*4 / X = 9

S8 / 423 = 10

S12 / 432 = 9

 

 

Les Press Figures hors du monde anglophone :

 

Les Press Figures n'ont, selon la tradition bibliographique, jamais été introduits ni utilisés sur le continent. C'est en tout cas une des affirmations d'un important article de Giles Barber (1931-2012) : "Catchwords and Press Figures at Home and Abroad", paru dans le Book Collector, 1960, n° 9, pages 301-307. Il l'a reprise dans "Les dessous d'un livre-bombe : l'impression de la première version des Lettres philosophiques", Le Livre et l'Historien, études offertes en l'honneur du professeur Henri-Jean-Martin... Genève, Droz, 1997, pages 465-479. Ce dernier article montre comment, lorsqu'on dispose des archives d'un imprimeur, et en particulier des registres de paie, les Press Figures peuvent permettre d'identifier les ouvriers ayant oeuvré à une impression.

Pourtant, Brian Hubber a découvert un cas dans l'Empire en 1786. Il le présente dans son article "Press Figures Abroad", Bulletin of the Bibliographical Society of Australia and New-Zealand, 1985, n° 9, pages 77-79.

Pour sa part, Michael Winship a repéré leur utilisation dans six impressions espagnoles, probablement de Saragosse, du XVIIe siècle (1664-1667). Il les évoque dans son article "Questions and Answers : Press Figures in Spain in the Seventeenth Century", The Papers of the bibliographical Society of America, mars 1992, n° 86, pages 57-66.

Le regretté Robert L. Dawson (1943-2008) a repris le dossier et s'est penché sur la question de leur utilisation en France dans un important article intitulé "Notes on Press-figures in France and the Localization of Books during the later 18th Century", Bulletin of the Bibliographical Society of Australia and New-Zealand, 2004, n° 28 (3), pages 97-121.

Il a ainsi repéré et recensé quelques éditions des années 1780 et de la période révolutionnaire, majoritairement en anglais, sorties principalement de l'atelier de l'imprimeur Jacques Jean-Louis Guillaume Besongne, de Rouen, et de l'"English Press"  fondée à Paris aux début des années 1790, et connue pour avoir travaillé pour Barrois l'aîné.

Parmi les exemples qu'il donne, figure The New Pocket Dictionary of the French and English Languages… de Thomas Nugent, troisième édition à l'adresse de Londres, 1781, qui comporte un Press Figure "3" au feuillet D6 page 48 du tome 1, et un autre "7" au feuillet C6 page 35 du tome 2.

 

 

La Bibliothèque municipale de Lyon conserve sous la cote 806766 le seul tome 1 de cette troisième édition. Il est reproduit sur Google Books. Il s'agit d'un volume de format in-18 oblong (cahiers de six feuillets, lignes de chaine verticales), qualifié par erreur d'in-12 par Dawson, de facture française : W majuscules et minuscules mal taillés, voyelles parfois accentuées, réclames de cahier à cahier, signatures en chiffres arabes, à droite, jusqu'en milieu de cahier, matériel ornemental non identifié jusqu'ici (bordures d'encadrement, une composition de petits ornements Fournier en cul de lampe page XII, deux petits ornements de bois utilisés en culs de lampe aux pages XV et XVI). Mais l'ouvrage présente également des particularités du livre anglais, comme la signature U en lieu et place d'une signature française V. Par ailleurs, de nombreuses erreurs dans les signatures trahissent une impression assez hâtive faite par un imprimeur peu expérimenté !

Pour Robert Dawson, il pourrait s'agir d'une contrefaçon de l'édition du Dictionnaire de Nuget faite à Lyon en 1781 par Jean-Marie Bruyset sous l'adresse "John Mary Bruyset and Sons".

. Cet exemplaire, inconnu à Dawson, comporte effectivement un seul et unique Press Figure  : D6 / 48 = 3, comme on pourra le constater sur la photographie ci-dessous.

 

 

 

Dans son article déjà cité, Robert Dawson attitre l'attention sur des impressions maçonniques françaises, qui comportent au bas de certaines pages des lettres. Celles-ci ne doivent pas être considérées comme des Press Figures. Il s'agit plutôt d'éléments qui doivent se lire à la suite pour constituer des formules maçonniques symboliques. Tel est, par exemple, le cas de l'ouvrage de Louis Guillemain de Saint-Victor : Recueil précieux de la maçonnerie adonhiramite… Par un Chevalier de tous Ordres Maçonniques. A Philadelphie : chez Philarete, rue de l’Equerre, A l’A plomb. 1786, in-18°.

Dans cette édition, comme dans celle cde 1785, les pages 21 à 25 portent les lettres composant l'inscription JAKIN, comme on pourra le constater sur les photographies ci-dessous prises dans l'exemplaire 813444 de la bibliothèque municipale de Lyon :

 

         

 

 

       

 

 

D'autres lettres, composant autant d'inscriptions nouvelles, sont visibles plus loin dans l'ouvrage :

BOOZ p. 55-58

MAKBENAK p. 84-91

A-DO-NA p. 99-101

Ce type de notation, assez atypique, ne doit en aucun cas être confondu avec des Press Figures.

 

© Dominique Varry 2012 Initiation à la bibliographie matérielle