L'estampillage de 1777

 

 

L'estampillage de 1777

 

 

 

 

 

L'été 1777 vit la promulgation par le pouvoir royal d'un certain nombre d'édits destinés à réorganiser les chambres syndicales, moderniser le système des permissions en renforçant la répression de la contrefaçon, et en introduisant les "permissions simples". Parmi ces édits, celui du 30 août concernant les contrefaçons de livres prévoyait une sorte d'amnistie préalable à un renforcement de la répression. Dans chacune des vingt chambres syndicales du royaume, les contrefaçons apportées par les imprimeurs-libraires se verraient légitimer par l'apposition d'une estampille associée à la signature manuscrite d'un inspecteur préposé à cette charge. Une fois estampillée, la contrefaçon cessait d'être illicite et pouvait être commercialisée officiellement au même titre qu'un exemplaire de l'édition privilégiée.

L'estampillage n'a pas commencé avant 1778. Il s'est souvent prolongé jusqu'en 1780. Dans la contribution de Jeanne Veyrin-Forrer, dont nous donnons les références plus bas, celle-ci a pu publier des statistiques relatives à huit seulement des vingt chambres syndicales. Malheureusement, elle n'a retrouvé aucune statistique concernant l'estampillage dans les chambres syndicales de Lyon et Rouen, les deux principales villes de contrefacteurs du royaume.

Lyon et Rouen exceptées, les éléments chiffrés retrouvés pour huit chambres syndicales sur vingt montrent que 118 imprimeurs-libraires ont apporté à régulariser 2 449 éditions contrefaites représentant 387 209 exemplaires qu'il a fallu estampiller et signer un à un.

 

Chambres syndicales Etablissements Articles Exemplaires
Amiens 7 486 5 700
Besançon 15 343 69 188
Lille 6 104 23 788
Nancy 32 258 55 256
Nantes 21 247 176 772
Nîmes 5 370 21 607
Orléans 28 275 34 135
Paris 4 364 763
TOTAL 118 2 449 387 209

 

Bien évidemment, le nom de la chambre syndicale ayant effectué l'estampillage donne une information intéressante, puisqu'elle révèle la région de production de la contrefaçon.

Chaque chambre syndicale est donc dotée d'un cachet ovale représentant une sorte cde soleil comportant des points secrets pour éviter... qu'il ne soit contrefait ! Le nom de la chambre syndicale surmonte ce soleil, la date de 1777 apparait au bas de l'estampille. Celle-ci n'était valable qu'associée à la signature manuelle de l'inspecteur commis à cet effet. Estampille est signature n'étaient pas placés au titre des ouvrages, mais au bas de la page constituant le début du texte principal, comme on pourra le constater dans l'exemple ci-dessous.

 

       

 

 

 

Associée à l'estampille de Rouen figure la signature de l'inspecteur Charles-Louis Havas, père de Charles-Louis Havas le jeune (1783-1858), le fondateur de l'agence du même nom.

A Toulouse, estampille et signature étaient en général apposées, au bas d'une page, plus loin encore dans l'ouvrage.

 

Le Service de l'inventaire de la Bibliothèque nationale de France a entrepris un recensement des éditions portant l'estampille de 1777.

 

 

 

Eléments bibliographiques :

BOËS (Anne) and DAWSON (Robert L.), "The legitimation of contrefaçons and the police stamp of 1777", Studies on Voltaire and the 18th  Century, Oxford, The Voltaire Foundation, 1985, vol. 230, p. 461-484.

 

VEYRIN-FORRER (Jeanne), "Livres arrêtés, livres estampillés traces parisiennes de la contrefaction", Les Presses grises. La contrefaçon du livre (XVIe-XIXe siècles). Textes réunis par François Moureau, Paris, Aux Amateurs de livres, 1988, p. 101-112.

 

MELLOT (Jean-Dominique) et QUEVAL (Elisabeth), "Pour un repérage des contrefaçons portant l'estampille 1777 au département des livres imprimés", Mélanges autour de l'histoire des livres imprimés et périodiques, sous la direction de Bruno Blasselle et Laurent Portes, Paris, Bibliothèque nationale de France, 1998, p. 178-194.

 

DAWSON (Robert L.), The French booktrade and the 'permission simple' of 1777 : copyright and public domain. With an edition of the permit registers, Oxford, The Voltaire Foundation, 1992.

 

MOUREAU (François), "Le libraire imaginaire ou les fausses adresses", Corps écrit, n° 33, 1990, p. 45-56.

 

 

© Dominique Varry 2012-2015 Initiation à la bibliographie matérielle